Vous le savez si vous lisez ce blog ou que vous appartenez à une de mes communautés en ligne, mais, j’avais eu une sérieuse panne informatique sur les 2 disques durs de mon serveur web.
Évidemment, la perte de données est colossale et correspond à 18 mois d’activité, de messages, de participations etc. Mes backups ? j’en avais mais j’avais pas vérifié que le mysqldump sortait bien les caractères UTF8… ( bah, non en fait, si comme moi vous utilisiez encore la redirection > dump.sql ).
Bref, voici la bête morte expédiée de chez OVH à grands frais ( sponsorisés par de valeureux membres de la communauté d’Herobrine.fr ):
Ce disque dur présente le tableau clinique du mort, c’est à dire : aucun signe vital et une rigidité certaine des pièces normalement mobiles à l’intérieur : traduction, rien ne se passe quand on le branche et il n’est pas détecté.
A partir de là, plusieurs scénarios :
Soit j’envoie le disque chez un professionnel de la récupération de données et je débourse au minimum 1500 euros sans garantie de pouvoir exploiter les données (qui ont peut être pris un coup dans la tronche)
Soit je le répare moi même avec le risque de perdre définitivement toutes les données si jamais il en restait une trace.
J’ai opté pour le deuxième choix, et j’ai donc recherché sur internet une carte contrôleur de rechange, il m’a fallu trouver exactement la même référence, les mêmes numéros de série des puces, bref, tout pareil. C’était pas très simple, mais j’ai fini par trouver exactement celle que je voulais pour 35 dollars.
Je l’ai donc montée à la place de l’autre dans le disque dur :
J’ai branché tout ce petit monde à un adaptateur SATA->USB et… rien. Je ne vous cache pas ma déception alors. Zut, y a un truc qui va pas.
Après quelques recherches il s’avère que certains disques 3,5 pouces sont un peu plus gourmands que d’autres en courant électrique et voltage. —évidemment— mon disque était dans cette liste, j’ai donc du acheter un boitier externe pour disque dur sata 3.5 pouces pour le connecter dans les bonnes conditions.
Et là… rien non plus.
Bon, je me dit que c’est pas la carte contrôleur ( les experts appellent ça une PCB ) et que ce n’est pas non plus ma connectique USB & alimentation. Par élimination, j’en déduis qu’il reste 2 pistes : une mauvaise reconnaissance logicielle par mon ordi ou une défaillance plus importante dans le disque, genre moteur cramé.
J’ai éliminé la question de reconnaissance logicielle en connectant le disque à un PC sous Windows, et le verdict est le même : le disque n’est pas détecté, même pas listé dans les périphériques connectés.
Reste donc la piste de défaillance dans le disque dur. J’ai donc lancé encore quelques recherches sur le net, à propos des tableaux cliniques de disques durs Seagate HS et je suis tombé sur une vidéo intéressante d’un technicien de chez Donor Drives ( un site spécialisé dans la revente de vieux disques durs d’occasion, pour pièces ). Cette vidéo donc, expliquait que certains disques —évidemment le miens est dans la liste— avaient besoin d’une transplantation de puce pour que la nouvelle carte contrôleur soit reconnue par le disque !
J’identifie donc la puce en question, qui a 8 pattes et qui renferme une NVRAM comportant ce qui s’approche d’un numéro UUID de disque et dont le disque a besoin pour fonctionner avec la carte.
Il faut donc dessouder cette puce de la carte HS et la ressouder sur la carte de remplacement. Je ne suis pas électronicien, je dois avouer que cette manœuvre avait quelque chose d’assez effrayant pour un néophyte.
J’ai donc pris une pince à épiler, et une décapeuse thermique (oui oui, le gros sèche cheveux qui chauffe à 300° pour décoller la peinture ) et j’ai tiré sur la puce pendant que je faisait fondre les soudures en étain avec la décapeuse. ( c’est flippant )
En fait, c’est venu plus facilement que j’imaginais, les pattes de la puce n’étant pas « plantées » dans la carte en plastique, mais juste « posées » sur les soudures. J’ai du faire attention aux autres petits composants autour de la puce, genre les petites résistances qui demandaient qu’à fondre avec.
Opération extraction : OK.
Ensuite, j’ai du extraire de la même manière la puce de la carte d’origine, la fameuse puce qui contient le sésame d’accès au disque dur. J’ai procédé de la même manière et voilà :
Cette précieuse petite puce contient donc des données vitales pour la suite, j’ai du la ressouder sur la nouvelle carte, il fallait pour ça bien aligner les pattes sur les soudures (pas évident, car la forme en bosse des soudures faisaient glisser dans les ceux les pattes, ce qui positionnait naturellement la puce « entre » deux soudures).
J’ai finalement réussi à positionner la puce en équilibre sur les soudures, et quand c’était bon, j’ai appuyé dessus doucement avec un tournevis pour la garder plaquée contre les soudures pendant que je chauffait à la décapeuse pour faire fondre l’étain, là encore ça s’est plutôt bien passé, j’avais assez peur pour les petits composants autour, mais ils n’ont pas bougé, en témoigne une inspection minutieuse des travaux à la loupe :
Avant de remonter la carte sur le disque j’ai passé un coup de gomme sur les zones de la carte qui accueillent les contacts à ressort du disque dur, pour être sur qu’il n’y avait plus de trace d’oxydation et qu’il n’y ait pas de faux contact :
Avant :
Après :
Je remonte donc la carte sur le disque dur, les petites vis en forme d’étoile ne résistent pas à mon mini tournevis pour resserrer les lunettes :
Je laisse tout ce petit monde refroidir, puis je rebranche le disque à l’ordinateur via son boitier externe.
Je met le contact sur le boitier, et là j’entends le disque s’allumer ( yeah ! ).
Je branche alors le cordon USB à l’ordinateur, et alors que l’ordi demande au disque de s’identifier je déchante, j’entends un beep beep beep pas très amusant en provenance du disque. Le beep beep beep en question est en fait le bruit que fait une tête de lecture quand elle se cogne dans sa butée de parking, au lieu d’aller vérifier qu’elle est en état de répondre à l’ordinateur avec son petit nom de disque dur Seagate.
Ce disque dur, dans l’état actuel pourrait encore être sauvé par une greffe de têtes de lecture, mais la greffe en question nécessite un « disque donneur d’organes », et ça, c’est 200$ à sortir, et l’opération est un poil plus violente car elle nécessite d’ouvrir le sarcophage étanche du disque pour remplacer les têtes (qui sont très, très fragiles), vu mon niveau et mon outillage, je ne vais pas tenter cette opération car je sais que je n’ai pas de grandes chances d’arriver à sauver les données, il est tout à fait possible, de plus, qu’une tête défectueuse soit aller tracer un sillon de charabia sur le disque et que les données dessus sont en fait déjà mortes.
Conclusion : si c’était à refaire, je le referais sans hésitation, cette manœuvre était effrayante, mais en prenant le temps de faire les choses bien, elle est tout à fait accessible aux profanes soigneux, et permet très probablement de récupérer des données dans le cas d’un disque donc la carte PCB est morte, dans le cas où — et c’est évidemment le miens— le disque était doublement mort, carte ET têtes de lectures, ça permet au moins d’avancer d’une étape et de poser un diagnostique assez fiable.
Je tiens à remercier chaleureusement les personnes qui se sont cotisées pour tenter cette opération de sauvetage, elle n’a hélas pas réussi à donner les résultats espérés, mais elle a contribué à faire progresser notre connaissance du sujet, d’où cet article sur mon site pour que cet investissement n’ait pas été vain !
EPILOGUE
Après quasiment 2 ans au garage, j’ai fini par me résoudre à ouvrir le disque pour voir l’intérieur et avoir le coeur net concernant ce disque dont je n’espérais plus rien.
Et bien.. je peux l’affirmer maintenant, j’aurais eu le plus grand mal à le faire fonctionner même avec la transplantation de carte, et pour cause, l’observation du plateau montre clairement un sillon « gravé » au beau milieu, signe que la tête de lecture, qui est normalement en lévitation magnétique, s’est littéralement crashée sur le disque ( donc disque mort ET tête morte).
Sans rancunes donc ! Je vais maintenant pouvoir me servir de ce disque comme sujet pour mon atelier « holographie ».